L'histoire du CZ100 de
notre amis D.D. (rédigé par D.D)
Scoop !
Le Père Noël existe: on a vu sa moto
!
Permettez-moi de me présenter.
Mon nom de famille est Honda, mon prénom CZ 100.
Si ça ne vous dit rien, peut-être me
connaissez-vous seulement par mon surnom: "Monkey" ?
Attention, n'est pas Monkey qui veut, et surtout
pas ces pâles imitations produites sous mon nom mais complètement
aseptisées,
qu'on retrouve sous des étiquettes comme
"Z 50" de divers tonneaux, et encore moins la mouture fabriquée en
Chine.
Le Monkey de Chine a des grandes roues, des
suspensions, des clignotants, pourquoi pas un démarreur ?
Moi, c'est quand même dans un autre registre que
je joue, jugez-en par vous mêmes...
Mon premier maître (maître indigne, mais je lui
pardonne car je suis gentil) m'a acheté en 67.
Je n'ai jamais compris pourquoi au bout d'un
mois il m'a relégué au fond de son garage (sec heureusement)
pour se précipiter chez son concessionnaire
acheter mon jeune cousin le DAX.
Il prétend en un mois s'être fait assez peur
pour ne pas risquer davantage sa peau. Passons.. Et moi, au fond du
garage,
je risquais quoi ? La rouille, la crise de
nettoyage par le vide qui m'aurait envoyé chez le ferrailleur.
Enfin, le Dieu des p'tites motos veillait sur
moi, car le sauveur est venu...
Le sauveur, c'était mon second (et actuel)
maître.
Lui ne craignait pas la chute, étant tombé du
vélo de sa mère quand il était petit (sur la tête bien sûr).
Quand il était jeune, il fantasmait sur le seul
exemplaire de Monkey importé au Sénégal,
qui montrait son feu rouge aux Malaguti et
autres Itom 50 débridés et allait chercher noise aux Vespa 125,
compensant en virage son léger handicap en
vitesse de pointe.
Et, les années passant, il est monté en
cylindrée, puis est revenu au petits cubes et a chopé le virus de la
bécane de collection
grâce à mon proche descendant: un Honda SS
50 M de 68 (bonne cuvée, ça).
La magie du petit 4 temps a suffi: "tant qu'à
rouler petit, autant rouler sur ce qui se fait de plus petit comme boîte
à soupapes:
il me faut un Monkey!"
Et allez pauvre galérien, va trouver un Monkey !
Et si tu en rencontres un, tu crois qu'il sera à
vendre, pauvre innocent ?
Et achète donc les périodiques motos pour faire
la tournée des petites annonces...
Et passe un temps fou sur le Minitel pour
dresser une liste des concessionnaires de France et de Navarre...
Et appelle les périodiquement, des fois qu'il
auraient un Monkey de n'importe quelle version, dans n'importe quel
état, au fond du magasin,
ou que, par miracle, ils en connaîtraient un.
Et, au bout de huit ans de patience et de
recherches stériles, le miracle a eu lieu...
En 82 (au bout de 15 ans de fond de garage
donc):
"Un Monkey ? Non, je n'en ai pas, mais il y a 15
ans, j'en ai vendu un et le client m'a acheté un DAX aussitôt après sans
me le faire reprendre,
il l'a peut-être encore...Je vous donne son nom,
appelez-le."
Ce que mon second maître a dû plaider pour
décider son prédécesseur à me vendre, c'est inimaginable.
Pas qu'il m'estimait une fortune: il ne voulait
pas qu'un innocent finisse aux urgences.
Après l'exhibition du permis toutes cylindrée,
l'offre de signer une décharge de responsabilité, il m'a laissé partir
pour trois cacahuètes.
Comme j'avais encore mon plein d'essence (c'est
classé collection de l'essence de 15 ans), j'ai accepté de démarrer,
pour montrer que j'étais en bonne santé. Bon,
après une vidange et un plein d'essence non éventée, je tournais
nettement mieux,
mais c'est quand même méritoire, de repartir
sans caprices au bout de tant de sommeil...
Et depuis ?? Depuis 82, c'est simple: je roule.
Je roule pour emmener mon maître attentionné en
commissions, je l'emmène à des rassemblement ou randonnées de véhicules
de patrimoine,
tant que je ne lui joue pas de tours il se garde
soigneusement de m'ouvrir le moteur.
Moralité, depuis que nous nous promenons
ensemble, il ne sait seulement pas comment je suis réglé.
Le trou de l'essence, le trou de la clef, c'est
tout ce qu'il veut connaître.
Une vidange de temps en temps, un changement de
bougie et de pneus, c'est tout ce que je réclame.
Ah, si, j'ai eu droit récemment à deux cadeaux
royaux: un nouveau silencieux, en inox, et une réfection de ma selle, en
cuir. D'accord,
c'est pas d'origine, m'enfin, quand on est
l'élite faut rien se refuser..
Seulement, la gloire a ses revers.
Au cours d'une sortie d'anciennes, mon maître a
accompagné son cousin qui apprivoisait sa toute neuve Terrot RGST.
Toute neuve parce que, sortant de restauration
complète, elle piquait des caprices de gamine.
Alors, sur MON réservoir, une monstrueuse
sacoche à outils, pleine à ras bord.
Un des sympathiques randonneurs a eu la parole
qu'il ne fallait pas:
"Avec une pareille quantité de matériel, ou tu
prends un sac à dos, et tu colles le Monkey dedans; ou tu attelles un
side."
C'était ignorer que mon maître avait ramassé
dans les années 70 la sidecarite (maladie incurable mais pas forcément
dévastatrice)
et qu'il avait apprécié l'opinion de
Rostropovitch pour qui "le plus amusant, c'est de jouer un morceau avec
l'instrument le moins adapté".
Petits calculs:
Cadre en gros tubes de ferraille, peu de bras de
levier: pas grosses contraintes.
Roues de petit diamètre, pas de rayons, pneus
larges: rien à modifier.
Moteur directement issu de l'utilitaire C 100:
indestructible.
En avant sur les textes de loi, pour voir si ça
peut rouler en règle..
Après deux ans de recherches et de courriers
administratifs (Mines entre autres), le verdict est tombé:
si le cas de l'attelage d'un vélomoteur n'est
pas prévu (et ne peut donc pas être homologué),
le fait de ne pas rajouter de place assise fait
du ce sidecar un "accessoire démontable non soumis à homologation".
Autrement dit: défense de modifier la machine
originale et interdiction de balader plus de monde que le nombre inscrit
sur la carte grise.
Il a été plus rapide à mon maître de me
tortiller un cadre de side en tube galvanisé, d'y adjoindre une roue de
kart
(eh oui, moi je suis chaussé de pneus de 5
pouces, comme les karts) et de monter là-dessus une carrosserie en
polyester
inspirée du Précision et du Steib.
La grosse difficulté a été de dessiner une
caisse qui ne soit pas monstrueuse (c'est que j'suis pas gros, moi !)
tout en acceptant un adulte de taille
normale. Le tout a donné une coque rouge, avec pare-brise galbé,
qui accepte même d'accueillir un gros biker
parce que sans être allé spécialement à la concentration Harley de St
Tropez en avril dernier,
je m'y suis trouvé et me suis taillé un
gentil succès. Comme quoi les bikers n'ont pas systématiquement horreur
des petites japonaises.
"C'est bien beau, mais ça roule ?"
Mais bien sûr! 45 de croisière au lieu du 60 en
solo, et bien réglé je file droit.
En virage à gauche je glisse joyeusement de mes
trois petits pneus, je survire même franchement.
En virage à droite, le plus expéditif c'est d'y
aller carrément pour décoller la roue du panier, parce que je n'ai pas
assez de chevaux
pour faire décrocher l'arrière et ma très forte
précession (raison de stabilité) me rend lourd au guidon. Dans tout ça,
les pneus...
Oublions la longévité des pneus, quand on aime
on ne compte pas !
Et le Père Noël dans tout ça, on l'oublie ?
Mais non ! son véhicule traditionnel, c'est le
traîneau, tiré par des rennes.
Mais le renne est un animal nordique, et ses
sabots sont faits pour marcher sur la neige, pas le goudron.
Brassens l'a d'ailleurs chanté: "Les sabots des
rennes / étaient tout usés..."
Alors, qu'est-ce qui empêche le Père Noël de
rouler en Monkey rouge, attelé, avec le side plein de cadeaux pour les
enfants sages?
Le permis ? Il lui suffit de se mettre en tête
de sa liste de distribution, et de déposer dans sa botte le papier rose.
Mon maître, lui, aimerait que le Père Noël lui
fasse trouver la piste d'un de mes frères Monkey.
Il a toute la documentation, pas mal de pièces
d'avance et pourrait en restaurer un, ça me ferait de la compagnie parce
que, franchement,
je me sens un peu seul de mon espèce...
D.D
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